Indemnisation des Victimes du Terrorisme

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Humanité

Sans humanité le métier d'avocat n'a pas de sens. Au-delà du secours financier que le travail de l'avocat peut contribuer à obtenir, il ne faut jamais oublier la part de rêve que porte chaque être humain.

L'indemnisation à travers le Monde

 

Notre cabinet a été chargé, il y a quelques années, par l'Union Européenne, de réaliser une étude internationale sur l'indemnisation des victimes du terrorisme. Cette étude, réalisée dans le cadre du réseau Lex Fori, couvre 42 pays et est disponible sur le site de la Commission Européenne. Vous pouvez la consulter ici

L'indemnisation des victimes du terrorisme est particulièrment développée en France. Elle repose sur un fonds d'indemnisation, le fonds d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme.

Si le terrorisme ne connait pas de frontières, il n'en est pas de même de l'indemnisation. De nombreux pays n'ont pas de régime d'indemnisation. Certains n'indemnisent que leurs ressortissants d'autres n'idemnisent pas les victimes d'attentats ayant eu lieu à l'étranger.

Marc Jobert

Avocat à la Cour

108, Quai Lous Blériot

75016 Paris

01 45 25 25 15

jobert@marcjobert.com

Marc Jobert

RESUME DES PRINCIPALES CONSTATIONS DE L’ETUDE

 

 

I Typologie des mécanismes nationaux d’indemnisation

 

Une quarantaine d’états, à travers le Monde, possèdent un mécanisme d’indemnisation des victimes d’infractions pénales et/ou d’actes de terrorisme.

Aucun pays n’indemnise les conséquences de l’ensemble des infractions pénales réprimées par sa législation. Seules les infractions les plus graves, essentiellement des infractions intentionnelles,sont indemnisables.

 

La plupart des états indemnisent leurs ressortissants et les étrangers. Mais nombre d’entre eux soumettent les victimes étrangères à des conditions plus strictes que les nationaux.

 

Peu d’états ont un régime d’indemnisation des infractions commises à l’étranger.

 

Il y a de nombreuses variantes dans les types de dommages pris en charge par les mécanismes d’indemnisation avec des allocations très variables suivant les pays : allocation éducation, allocation logement, prise en charge de frais de déplacement, frais de réinsertion professionnelle, etc.

 

La procédure d’indemnisation est généralement gratuite et dans bien des cas une assistance juridique est disponible. Une plainte, dans des délais brefs, auprès de la police est pratiquement toujours exigée. L’aboutissement de la procédure pénale est souvent un préalable à l’indemnisation.

 

II La situation des victimes européennes dans les pays tiers

 

 

A l’heure actuelle, l’indemnisation des citoyens et des résidents permanents européens victimes de la criminalité ou du terrorisme en dehors du territoire du territoire de l’Union européenne est excessivement fragmentée.

 

Les critères d’indemnisation sont multiples et se superposent ou s’opposent Les différences de traitement et d’indemnisation sont considérables.

 

Dans la pratique la victime européenne doit faire face à de nombreux obstacles :

 

1° Choc traumatique

 

 

2° Dépaysement

 

 

 

 

3° Eloignement géographique

 

4°Barrière linguistique

 

 

5°Difficultés procédurales

 

 

6° Absence d’indemnisation

 

 

 

 

 

 

III Les solutions envisageables

 

 

L’extraordinaire diversité de traitement des victimes européennes d’infractions sur le sol des pays tiers est choquante pour un esprit cartésien. Il est difficile de voir la moindre rationalité dans un traitement si inégalitaire.

 

Toute la question, éminemment politique voire philosophique, réside dans le fait de savoir si remédier à un telle situation doit être une priorité pour l’Union Européenne.

 

Si c’est le cas, il faudra déterminer la couverture souhaitée, sans doute les risques les plus graves, c’est à dire les actes de violence volontaire contre les personnes qu’il s’agisse de criminalité contre les personnes ou de terrorisme, mais peut-être uniquement une couverture des actes de terrorisme.

 

La première étape pour étudier la possibilité d’une telle couverture est d’essayer d’en évaluer le coût et l’ampleur.

C’est un exercice difficile compte tenu du peu de statistiques disponibles. Cependant, il n’est pas déraisonnable d’affirmer que les victimes européennes de criminalité violente dans les pays tiers sont peu nombreuses en comparaison du nombre de victimes dans leur pays d’origine.

 

Compte tenu de ceci et des réticences naturelles des victimes et de leur manque d’information, le nombre de dossiers d’indemnisation que pourrait générer une couverture de l’ensemble des citoyens européens et des résidents permanents européens devrait être relativement faible.

 

En extrapolant, on peut raisonnablement estimer qu’un mécanisme européen d’indemnisation devrait traiter de l’ordre de un à deux dossiers par million d’habitants. Ce qui donnerait pour l’Union européenne un ordre de grandeur de 500 à 1000 dossiers chaque année.

Le coût des indemnisations serait de l’ordre de 50 à 100 millions d’euros par an ( en supposant une indemnisation sur la base de niveau de « pays riches » . Il serait de l’ordre de quelques millions d’euros si l’on se contentait d’une indemnisation forfaitaire ou plafonnée au niveau de celle en vigueur dans les nouveaux états membres.

 

La seconde étape est d’examiner les différentes méthodes permettant d’assurer l’indemnisation des victimes européennes dans les pays tiers :

 

 

 

A) Accords avec les pays tiers

 

Cette solution est inadéquate pour offrir une couverture complète des victimes européennes, mais des actions diplomatiques pourraient être menées auprès des pays qui excluent totalement ou partiellement les victimes européennes de leur dispositif d’indemnisation. De plus un travail important devrait être fourni pour réduire certains des obstacles que rencontrent les victimes européennes et qui ont été détaillés plus haut, en particulier en matière d’information et de soutien.

 

B) Création d’un Fonds européen

 

Les fonds européens existants sont essentiellement tournés vers les entreprises et les administrations. Il y a donc peu de modèles de fonds transnational destiné à indemniser les victimes d’un évènement dramatique (catastrophe, produit défectueux, etc.).

 

La création d’un éventuel fonds européen pose un certain nombre de questions, pour tenter d’y répondre, il est intéressant d’étudier quatre modèles de fonds dont les caractéristiques peuvent éventuellement se combiner :

1°-Un fonds offrant un droit à indemnisation directe des victimes

2°-Un fonds intervenant à l’appui des actions des Etats membres

3°-Un fonds co-finançant l’indemnisation nationale sur une base forfaitaire

4°- Un fonds co-finançant l’indemnisation nationale sur une base proportionnelle

 

1° Une indemnisation directe

 

L’avantage d’un fonds européen offrant une indemnisation directe aux victimes est celui propre à un mécanisme unique : traitement uniforme de l’ensemble des victimes européennes d’un même acte de criminalité ou de terrorisme Une telle solution offre une grande lisibilité et constitue une réponse claire et forte par rapport aux attaques contre les ressortissants et résidants européens. Un barème forfaitaire d’indemnisation pourrait renforcer la prévisibilité et la simplicité de l’ensemble .Il serait éventuellement possible d’imaginer de tenir compte du niveau de vie moyen dans les différents Etats.

La philosophie du système d’indemnisation ainsi mis en place ne serait pas d’offrir une indemnisation optimale mais d’assurer que chaque victime bénéficie d’une indemnisation minimum exprimant la solidarité européenne. L’indemnisation serait donc subsidiaire et constituerait un plancher, chaque état membre restant libre de prévoir un système plus généreux.

 

2° Un appui des actions nationales

 

La création d’un fonds européen offrant une indemnisation directe rencontrait certainement de sérieux problèmes politiques et juridiques dans le cadre actuel des institutions européennes.

Le modèle d’un fonds venant à l’appui des actions nationales serait sans doute plus réaliste.

Un projet pilote ( mai 2004) pour les victimes d’actes de terrorisme (ligne budgétaire de 875.000 euros) peut également être un point de référence.

 

Les missions de ce fonds pourraient être, sommairement, les suivantes :

-Informer et promouvoir l’information des victimes

-diffuser les meilleures pratiques auprès des états membres

-inciter les états membres à inclure les infractions et attentats commis sur le territoire des pays tiers dans leurs dispositifs d’indemnisation nationaux.

- financer le coût de cette extension pour les états disposant de ressources insuffisantes

-Prendre en charge le surcoût d’actes criminels ou terroristes de dimension exceptionnelle qui dépasseraient les capacités budgétaires de certains fonds nationaux.

 

Dans un premier temps, un budget de l’ordre de deux millions d’euros devrait être suffisant.

 

3° Le co-financement de l’indemnisation nationale sur une base forfaitaire

 

Ce modèle ainsi que le suivant, sont fondés sur l’idée d’un respect plus strict de l’initiative des états membres.

Le rôle de gestion administrative de la Commission serait limité. Elle fixerait une subvention forfaitaire par victime indemnisée, cette somme étant éventuellement modulée par grande catégorie d’indemnisation. Chaque Etat membre recevrait une subvention égale au nombre de victimes, ressortissantes de ce pays ou y résidant, d’une infraction hors le territoire de l’Union Européenne, multiplié par la subvention forfaitaire.

Les avantages d’un tel modèle sont la simplicité et la lisibilité du mécanisme, l’incitation pour les états membres à étendre leur système d’indemnisation et la remontée des informations vers la Commission.

Les inconvénients sont l’inégalité entre les victimes suivant leur pays d’origine ou de résidence et la difficulté de prévoir la masse budgétaire annuelle.

 

4° Le co-financement de l’indemnisation nationale sur une base proportionnelle

 

Ce modèle diffère du précédent par le mode de calcul de la subvention. Celle-ci est calculée proportionnellement à la dépense effective des états membres en faveur des victimes européennes dans les pays tiers.

 

Les états les plus généreux avec les victimes seront les plus aidés par ce mécanisme. Dans le modèle précédent, la solidarité européenne se concentre sur les états les moins généreux ( pour des raisons budgétaires ou pour d’autres raisons). Elle compense certaines inégalités. Dans celui-ci, elle récompense la « générosité » et a donc un rôle incitatif.

 

 

C) Extension de la couverture nationale

 

D’ici 2006, la totalité des pays de l’Union européenne auront un système d’indemnisation des victimes d’infractions pénales. Compte tenu du fait que l’indemnisation des nationaux et résidents permanents victimes dans les pays tiers ne représente qu’un faible pourcentage des dossiers d’indemnisation dans les pays qui acceptent d’indemniser les conséquences d’actes commis à l’étranger, il pourrait être envisagé d’étendre le champ géographique de l’indemnisation dans tous les pays de l’Union, par un instrument juridique européen et cela pour un coût relatif faible.

 

 

D) Appel à l’initiative privée

 

 

Un très grand nombre d’européens voyageant dans les pays tiers sont déjà couverts contre certains risques par le biais de mécanismes d’assurance privée. D’ailleurs , en Europe, la plus grande partie de l’indemnisation des victimes d’infractions pénales est prise en charge par des mécanismes d’assurance, soit les assurances sociales principalement pour les frais médicaux, soit les assurances privées pour l’assurance des biens mobiliers et des habitations.

 

Une piste de réflexion serait donc d’étendre la couverture d’assurance privée pour couvrir toute ou partie de l’indemnisation des victimes européennes de la criminalité dans les pays tiers.Les compagnies d’assurance exerçant leurs activités sur le territoire de l’Union Européenne présentent l’avantage d’être relativement peu nombreuses et d’être regroupées en associations professionnelles sectorielles bien structurées. Des partenariats public privé ont d’ailleurs eu lieu à la suite des attentats du 11 septembre 2001.

 

Plusieurs approches sont possibles et peuvent éventuellement se combiner :

 

-Définir une norme minimum en matière de couverture

-Etudier la possibilité de rendre obligatoire ce type d’assurance.

-Donner le choix, dans un instrument juridique européen rendant obligatoire l’extension du champ géographique de l’indemnisation des victimes, aux pays tiers entre un mécanisme public et le développement de mécanismes privés d’assurance

 

L’une des principales objections à une solution de ce type est qu’un mécanisme d’assurance ne couvre que les personnes assurées. Mais, même dans un système d’assurance obligatoire on n’aboutit jamais à une couverture totale de la population concernée. Si les différences idéologiques sont fortes, on peut se demander si en pratique les différences seraient aussi marquées. Bien qu’elle reste à démontrer, l’hypothèse qu’un mécanisme d’assurance privée indemniserait, à garantie égale, plus de victimes qu’un mécanisme public est crédible.

De plus, une solution basée sur l’assurance privée permettrait d’offrir aux victimes des services qui sont rarement offerts par les mécanismes d’indemnisation publics. 

 

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Aucune des solutions décrites n’étant sans inconvénients idéologiques ou pratiques c’est sans doute par une combinaison de celles-ci que la question de l’indemnisation de victimes européennes dans les pays tiers peut être résolue.